La déontologie de l'expertise ne se limite pas à la transparence sur les conflits d'intérêts
Le fiasco de la stratégie de lutte contre la grippe A,
élaborée par
des experts ayant des conflits
d’intérêts, n’est
qu’un exemple de plus
des conséquences néfastes d’un
système d’expertise publique
dépendant
des industriels. Face à l’inertie des
autorités, c’est aux citoyens et
aux associations de se mobiliser pour briser ce cercle vicieux.
La Fondation Sciences Citoyennes déplore que la table ronde
«
Expertise et conflits d’intérêts
», organisée le 10 décembre par
la
Haute Autorité de Santé (HAS) en soit
restée à des discours de
congratulation réciproque, sans état des lieux
critique ni
propositions concrètes de changement. Or cette
ambiguïté permanente
entre intérêts privés et publics ne
saurait cesser sans une loi pour
définir et faire appliquer une véritable
déontologie de l’expertise.
La HAS, le LEEM (organisation de l’industrie pharmaceutique),
l’AFSSA
(Agence de sécurité des aliments), un conseiller
d’Etat ainsi que des
leaders d’opinion prétendent que le
système d’expertise et
d’information s’est amélioré,
parce qu’ils prononcent désormais
ouvertement le terme « conflits
d’intérêts » et
qu’un rudiment de
déclaration publique
d’intérêts existe…
Ce satisfecit devrait alerter
la société civile sur un danger majeur : la
transparence (fort
lacunaire) sur les liens des experts avec des industriels
n’est qu’un
alibi servant à légitimer les conflits
d’intérêts et à
désamorcer
jusqu’à la question de
l’opportunité d’une
délibération citoyenne sur
le système dans son ensemble. Accepter le lobbying,
l’influence par
les groupes d’intérêt ainsi que les
conflits d’intérêts, pourvu
qu'ils
soient transparents, c’est une pente glissante qui peut mener
à la
disparition pure et simple de l’intérêt
général, faute de groupes
d’intérêts puissants pour le porter.
La transparence n’est pas un but en soi, mais une
étape sur la voie de
la limitation et de l’élimination des conflits
d’intérêts. Cela est
une ligne de force des propositions de la Fondation Sciences
Citoyennes, avec la création d’une Haute
autorité de l’expertise et de
l’alerte indépendante. En tant
qu’instance éthique, celle-ci doit
poser les principes d’une déontologie de
l’expertise, l’affirmant
comme pluraliste et pluridisciplinaire,
systématiquement
contradictoire, transparente à tous les niveaux
(données brutes,
délibérations, critères de
sélection des experts…) et faisant place
à
l’expertise citoyenne. Un droit de saisine associative et un
fond de
financement devraient permettre la concrétisation de cette
expertise.
Cette Haute autorité définirait le statut des
experts et affirmerait
leur responsabilité ; elle exigerait des
déclarations d’intérêts
complètes et aurait un droit de contrôle et de
sanction.
Elle définirait ce qui relève ou non de
l’alerte, ainsi que le statut
des lanceurs d’alerte. Ceux-ci sont les seuls à
briser ce système
d’expertise verrouillé par les conflits
d’intérêts, et il faut
qu’un
cadre juridique les protège des représailles
auxquelles ils s’exposent.
Les critiques et les questions que la Fondation Sciences Citoyennes
a
pu formuler lors de cette table ronde sont restées sans
réponse.
L’enjeu est pourtant majeur : c’est notre
santé à tous. Les citoyens
doivent exiger une remise à plat du système
actuel d’expertise et de
prise de décisions politico-sanitaires. Ils doivent
contrecarrer les
tentatives de banalisation et de légitimation du lobbying,
comme le
fait la veille citoyenne mise en place par le réseau Etal
(Encadrement
et Transparence des activités de lobbying).
Fondation Sciences citoyennes : http://sciencescitoyennes.org
Etal : http://www.adequations.org/spip.php?rubrique291
Contact : Elena Pasca 01 43 60 01 35
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